Le suivi des effectifs de chiroptères sur leurs sites hivernaux repose en général sur des comptages réalisés par de nombreux bénévoles et professionnels dans des cavités naturelles ou d’origine anthropique. Cependant, les moyens humains mobilisables pour ces sui-vis sont bien souvent insuffisants pour suivre chaque année l’intégralité des sites connus à l’échelle d’un département ou d’une région. La sélection de sites à suivre pour évaluer des tendances de population se base alors bien souvent sur des critères subjectifs tels que les effectifs d’une espèce, l’accessibilité et la proximité des sites, etc. L’absence de mobilisation de plan d‘échantillonnage spatial (combien de sites ?, sélectionnés comment ?) et temporels (quelle fréquence ?) rigoureux pour sélectionner ces sites peut alors conduire à des estimations de tendances des effectifs biaisées et/ou imprécises. Ces questions d’échantillonnage ont, de fait, rarement été abordées jusqu’à présent pour les chiroptères qui présentent à la fois des effectifs très variables entre sites et très variables dans le temps. Le travail proposé ici visait à proposer la définition de plans d’échantillonnage spatiaux et temporels afin de fournir des recommandations pour le futur suivi des sites hivernaux de chiroptères en Bourgogne. Nous avons mobilisé les données de comptages de différents taxons de chiroptères collectées entre 2000 et 2019 en Bourgogne. Ces comptages ont été réalisés par un réseau de bénévoles du Groupe Chiroptères Bourgogne (GCB), sous la coordination de la Société d’Histoire Naturelle d’Autun-Observatoire de la Faune de Bourgogne (SHNA-OFAB). Nous avons utilisé une nouvelle approche de modélisation qui permet d’estimer les taux de crois-sance de colonies locales (dans notre étude les sites hivernaux des différentes espèces) qui fonctionnent en métapopulation (dans notre étude l’ensemble des sites de Bourgogne qui accueillent des chauves-souris). Ces taux de croissance locaux des espèces sont alors con-ditionnés par la croissance globale de l’ensemble des sites constituant la métapopulation. Cette démarche permet de prendre en compte le fait que les sites hivernaux soient potentiellement interconnectés entre eux, avec des évènements de dispersion possibles d’individus entre ces sites d’une année sur l’autre. Après avoir appliqué ce modèle aux sé-ries temporelles de comptages complètes, nous avons testé plusieurs plans d’échantillonnage spatiaux (tirages d’un nombre croissant de sites, selon plusieurs modalités de tirage) et temporels (tirage d’une année sur deux ou d’une année sur trois) et avons comparé la précision et le biais de ces taux de croissance estimés. Nous avons montré qu’il était important d’échantillonner préférentiellement, mais pas uniquement, les sites à forts effectifs, et ce, pour la majorité des espèces. Nous avons égale-ment montré l’importance d’échantillonner au moins 100 sites pour deux espèces (Petit rhinolophe Rhinolophus hipposideros et Murin de Natterer Myotis naterreri). Pour les autres espèces, il est possible de réduire l’effort d’échantillonnage à 70 sites. Nos analyses montrent aussi qu’il est possible d’échantillonner les sites une année sur deux pour la plupart des espèces, voire une année sur trois pour deux espèces (Grand rhinolophe Rhinolophus ferrumequinum et Murin à oreilles échancrées Myotis emarginatus). Sur la base de ces résultats, nous avons tiré 127 sites à prospecter une année sur deux, en sélectionnant préférentiellement les sites abritant de forts effectifs. Une première moitié de ces sites a été suivi l’hiver 2023-2024, fournissant ainsi des informations sur la mise en œuvre concrète de ce plan d’échantillonnage par les équipes de bénévoles. Ce document justifie les choix méthodologiques réalisés et propose un cadre pour le recueil, le stockage et l’analyse des données. Il fixe également les moyens logistiques nécessaires à la mise en œuvre du protocole proposé. L’ensemble de ces informations garantit la pérennité de l’étude sur le long terme. L’élaboration de ce protocole s’inscrit dans le cadre d’une coopération entre l’Office Français de la Biodiversité et le Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive. Cette coopération lancée en 2018 vise à mettre en place un appui méthodologique et statistique pour un transfert continu de compétences, de savoirs, de méthodes, vers les gestionnaires des parcs nationaux et des autres aires protégées.